UNE EDUCATION MANQUEE
 

NOTE D'INTENTION ​

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Ici, nous assumons pleinement les codes de l’opérette : un décor bourgeois, des costumes kitchs, un jeu extravagant, le tout semblant ringard. Ainsi, notre décor est exigu, fragile, il grince et tremble. Nos costumes sont verdâtres comme usés, légèrement moisis, comme s’ils avaient passé trop de temps dans le placard. Le jeu, très expressif, volontairement lyrique et démonstratif est quant à lui court-circuité par des rapports de corps et d’espaces alambiqués entre les personnages, où leurs corps racontent leurs faiblesses, leurs rapports d’autorités.

 

Le travestissement des personnages remet en perspective scène après scène les devoirs désuets d’un homme et d’une femme de façon joyeuse pour le public... À la fin du spectacle, il faut, comme les aprioris de nos personnages, comme le monde poussiéreux auquel ils appartiennent, comme les valeurs qu’ils représentent : s’effondrer.

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Le décor s’écroulera littéralement, pour laisser place à plus d’espace, à une lumière joyeuse, à une bouffée d’air, à une circulation plus facile des êtres. De même, les costumes qui engoncent nos personnages doivent s’arracher pour laisser place à des corps libérés, tactiles et sensibles. Notre jeu glisse vers des corps chorégraphiés de plus en plus dansants, de plus en plus charnels. Le tout est symbolisé et transposé dans un monde de cabaret, où la fête, les paillettes, les strass, la magie et la rêverie ont toute leur place.

 

La musique de Chabrier vient en complément à tout cela donner un écrin d’une incroyable inventivité. Elle est d’une très grande richesse. Emmanuel Chabrier n’avait pas besoin de composer pour gagner de l’argent, ce qui lui a permis d’écrire une musique extrêmement subtile et travaillée. Il avait le luxe d’aller au bout de ses envies avec des influences de son époque Offenbach, Massenet, Strauss... mais aussi du passé, on retrouve des citations de musique baroque, renaissance, et traditionnelles...

 

La pièce est écrite alors que Jules Ferry vient d’être nommé ministre de l’Éducation. L’école va devenir laïque et des opinions déchirent la société : que faut-il conserver, que faut-il changer ? Il fait lire à tous les instituteurs de France un discours défendant l’éducation horizontale. Le maitre enseigne tout en échangeant avec l’élève en opposition à l’idéologie appliquée jusqu’alors : le maitre sait, l’élève écoute et se tait. Nos auteurs inventent un scénario improbable ridiculisant ceux qui sont contre l’apprentissage des sujets tabous : sexualité, relation homme-femme, religion ... À bien y réfléchir, cette farce reste cruellement d’actualité !

 

Notre réponse à un monde austère, réactionnaire, à une façon de faire du théâtre rétrograde et misogyne, est d’inviter les spectateurs comme nos personnages à faire éclater les murs, les vêtements trop serrés pour sombrer dans le plaisir, l’échange, le désir, la joie gourmande de faire la fête, et à plonger dans son intimité pour en sortir ce qu’il y a de plus vivant.

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